peintures de sable des indiens navajos

Quand j’ai vu ce livre « L’art qui guérit«  sur l’étagère d’une boutique à la sortie d’un musée, mes yeux s’y sont arrêtés. L’art guérit, moi je le sais. Je me suis sentie très curieuse de savoir ce que l’auteur, Pierre Lemarquis, neurologue, neurophysiologiste et neuropharmacologue pouvait en dire. Cerise sur le gâteau, la préface est de Boris Cyrulnik.

Va-t-il nous parler de l’art comme médicament ? Ou comme thérapie ? Ou encore comme soulagement ? Hâte de savoir.

Préface de Boris Cyrulnik

Ce livre « L’art qui guérit » a été préfacé par Boris Cyrulnik, célèbre médecin neuropsychiatre qui a écrit de nombreux livres sur la psychologie. Dans sa préface, il nous dit que « sans la beauté, sans l’amour, sans la musique, on pourrait vivre, mais ce serait une non vie avant la mort, car il n’est pas nécessaire d’être mort pour ne pas être vivant« . Quand nous interprétons les choses, nous les humanisons. Il y a 200 000 ans, les premiers hommes peignait pour diverses raison, par exemple pour diviniser l’animal que l’on venait de tuer. Les sépultures racontaient des histoires, le réel était transformé en œuvre d’art.

Très tôt chez le bébé, la vie psychique se crée, pour compléter le simple fait de devoir survivre, c’est inhérent à l’être humain. L’enfant devient très tôt l’auteur acteur du théâtre de sa vie quotidienne et nous invite à jouer dans sa pièce. Le travail artisanal (le dessin pour le petit enfant), permet de triompher de la non-vie, du rien, en inventant une production artistique, fait de papier, de formes et de couleurs.

« Sans créativité, la condition humaine ne serait faite que de l’angoisse du vide et du desespoir de ne pas vivre. »

Beaucoup d’artistes métamorphosent la souffrance en œuvre d’art. Et nous, spectateurs, nous sommes modifiés par leur création parce que nous ne voyons plus les choses comme avant.

Le pouvoir créateur par l’art

Tout au long de son livre, l’auteur cite des artistes très différents. Ils sont différents de par leur époque, leur style, leur lieu de vie, leurs problèmes. Bref, ils n’ont rien à voir les uns des autres. Leur point commun : l’art ! Cela rend le sujet encore plus pertinent. L’art qui guérit devient à ce titre universel. Cela rejoint mon idée que nous avons tous un pouvoir créatif – créateur puissant.

L’auteur examine comment l’engagement avec l’art, que ce soit en créant ou en appréciant des œuvres, peut avoir des effets bénéfiques sur la santé mentale et émotionnelle. Il explore également le potentiel thérapeutique de différentes formes artistiques, mettant en lumière des exemples de personnes qui ont trouvé du réconfort et de la guérison à travers l’expression artistique.

Pierre Lemarquis cite le rapport de l’OMS (Organisation Mondiale pour la Santé) du 11/11/2019 dans lequel il est affirmé que « l’art est bénéfique pour la santé, tant physique que mentale. » « Si les philosophes ont les premiers pressenti son impact sur notre existence, leurs thèses sont désormais confirmées par les neurosciences, qui nous révèlent comment l’art sculpte et caresse notre cerveau ».

Des titres évocateurs

J’aime beaucoup les titres de chapitres écrits par l’auteur. Le titre L’art qui guérit est déjà lui-même très clair. En voici quelques uns :

  • Comment sculpter son cerveau
  • Des images initioatiques pour mieux se connaitre
  • Symboliser sa douleur pour mieux la soulager
  • Exprimer sa souffrance pour la surmonter
  • Des tableaux comme thérapie
  • Le pouvoir fulgurant des images
  • Des oeuvres pour stimuler sa réflexion et sa mémoire
  • L’oeuvre d’art, un cocon pour renaitre
  • Créer pour magnifier son existence
  • L’art comme tuteur de résilience
  • Comment métamorphoser sa souffrance

Voici maintenant quelques thèmes du livres, parmi beaucoup d’autres :

L’art comme journal intime

L’art raconte des histoires à travers des peintures, des fresques, des dessins. Il peut donc servir de journal intime en quelques sorte, c’est le cas d’Aloïse Corbaz (1886 – 1964) et ses peintures et écritures sur des feuilles qu’elles cousaient petit à petit (en cachette). Internée, elle extériorise ainsi ses démons intérieurs grâce à des techniques totalement spontanées. Les couleurs sont de plus en plus vives dans ses peintures qui deviennent de véritables œuvres d’art, reconnaissables entre tous. La plus monumentale de ses œuvres, et l’apogée de sa créativité, se nomme le Cloisonné de théâtre : c’est un rouleau de papier de quatorze mètres de long sur un mètre de large, considéré comme « la sixtine de l’art brut ».

L’art comme résilience

Pour Antoni Tapiès (né en 1923 à Barcelone), l’art permet de se relever après un traumatisme. Il est un processus de résilience. La résilience, c’est l’aptitude d’un individu à se construire et à vivre de manière satisfaisante en dépit de circonstances traumatiques.

Sur les toiles de Tapiès on peut repérer plein de cicatrices, de blessures. Il aimerait que ses tableaux aient un pouvoir guérisseur sur les spectateurs. L’artiste veut transmettre des énergies via ses peintures.

Tapiès récupère des objets jetés à la poubelle et leur redonne vie dans ses œuvres et ainsi leur attribut le pouvoir de guérison de ceux qui sont morts et ressuscités.

La simple vision d’un tableau peut-elle compenser nos faiblesses, nous nourrir et nous rééquilibrer comme une perfusion, nous apporter l’oxygène qui nous manquait ? Ou tout simplement nous métamorphoser en modifiant nos connexions cérébrales, nos secrétions neurochimiques et en élargissant notre vision du monde ? Le peintre anglais Adrian Hill (1895 – 1977), considéré comme l’inventeur de l’art thérapie, était d’ailleurs tuberculeux.

Dessiner sa souffrance

Le peintre et graveur allemand Albrecht Dürer (1471-1528), quant à lui, dessinait ses blessures pour mieux les comprendre et les guérir. A cette époque, les connaissances en médecine étaient encore limitées, on peut donc comprendre la démarche du peintre.

Ses dessins lui permettaient de mieux montrer au médecin l’endroit où il souffrait. En montrant l’endroit précis de sa douleur sur son dessin, Dürer était déjà sur la voie de la guérison.

L’effet placebo

A l’occasion du récit de St Antoine le grand (Egypte, 251-356)) qui est devenu le Saint guérisseur de choix, l’auteur nous parle de l’effet placebo. Le placebo est un procédé thérapeutique n’ayant pas d’efficacité propre ou spécifique mais agissant sur le patient par des mécanismes psychologiques et physiologiques. Suite à sa capacité à chasser ses démons (il était atteint d’une maladie qui le faisait halluciner) il apprit à guérir les possédés en chassant leurs démons…

Si vous vous placez sous la protection du saint qui a souffert de la maladie et en a guérit, il pourra vous aider ! Ou au moins vous laissez croire que c’est possible et vous donner de l’espoir 🙂 C’est l’effet placebo qui témoigne de la puissance de l’esprit sur le corps. Jean-Martin Charcot, inventeur de la neurologie, témoignait en fin de carrière du pouvoir curateur de la simple croyance en la possibilité de la guérison, aiguisée par une pratique rituelle ou autre.

La peinture participe à la guérison

De même que le peintre allemand Matthias Grünewald (1475-1528), recherche l’équilibre intérieur par l’harmonie parfaite des couleurs et des sons, les indiens Navajos, eux, restaurent l’harmonie intérieure par des rituels dans lesquels sont présentes des œuvres d’art sur le sable. « Voie de la beauté », c’est le nom de leur rituel de guérison. Ce protocole comprend des prières, des chants, des danses et des peintures sur sable. Le malade, après avoir était purifié, s’assoit au milieu de la peinture circulaire de sable dessinée en fonction de lui et de sa pathologie, puis sera enduit de ce sable, il entendra des chants répétitifs modulés puis répètera des phrases positives de guérison. Là encore on retrouve l’incroyable pouvoir de l’effet placebo !

Les ex-voto

Les ex-voto sont des objets symboliques, souvent en métaux précieux, suspendus dans un lieu vénéré, à la suite d’un vœu ou en remerciement à un vœu exhaussé. Ils représentent souvent une partie de l’anatomie et étaient souvent utilisés pour représenter la souffrance dans une partie du corps précise pour demander la guérison à un être suprême. D’un côté, la certitude d’être écouté aide à supporter la douleur, de l’autre, le souvenir de cette douleur agit comme vaccin, avec l’espoir que les puissances supérieures reconnaissantes ne nous infligerons pas un nouveau supplice.

La vie ou le théâtre ?

« Le mone entier est un théâtre, et tous, hommes et femmes, n’en sont que les acteurs. Et notre vie durant, nous jouons plusieurs rôles », Shakespeare. L’artiste juive allemande Charlotte Salomon (née en 1917 à berlin) fait un récit de sa vie à moitié réel, à moitié rêvé. La seule chose qui l’écarta un peu du désespoir, étant enfermée, cachée des allemands, a été l’art. L’art lui a permis de rêver, de sublimer sa vie, de s’en extraire, de rendre tolérable l’inacceptable et de métamorphoser sa souffrance en récit ensoleillé. En donnant forme à sa tragédie, elle en maitrise la représentation; en la tenant à distance, elle contrôle mieux ses émotions. Son œuvre est une véritable pièce de théâtre en plusieurs actes, mêlant peinture, textes, références musicales, avec des dialogues parlés. Encore un bel exemple de l’art qui guérit.

L’art comme exutoire

Niki de Saint Phalle était une artiste franco-américaine née en 1930 et décédée en 2002. Elle était surtout connue pour ses sculptures monumentales de femmes voluptueuses, appelées « Nanas », ainsi que pour ses œuvres conceptuelles et ses installations.

Niki de Saint Phalle a eu une vie tumultueuse, marquée par des défis personnels, notamment des périodes de dépression et de troubles émotionnels. Elle a utilisé l’art comme moyen d’expression et de catharsis pour surmonter ces difficultés. Ses œuvres colorées et audacieuses reflètent souvent une énergie positive et une célébration de la vie, malgré les épreuves personnelles.

« Peindre calmait le chaos qui agitait mon âme et fournissait une structure organique à ma vie sur laquelle j’avais prise […] Cela m’aidait à me sentir responsable de mon destin. Sans cela, je préfère ne pas penser à ce qui aurait pu m’arriver. »

Conclusion

L’expression artistique peut jouer un rôle significatif dans le processus de guérison. En soulignant les expériences partagées par des individus qui ont trouvé du réconfort et de la force grâce à l’art, Lemarquis nous invite à reconnaître le potentiel thérapeutique de la créativité. Dans un monde souvent tumultueux, l’art peut offrir un refuge et une voie vers la guérison, invitant chacun à intégrer l’expression artistique dans sa vie quotidienne pour cultiver le bien-être mental et émotionnel. A nous maintenant d’explorer notre propre connexion avec l’art, que ce soit en créant, ou en observant…

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